Pendant les cinquante dernières années, les chercheurs se sont intéressés à la respiration de différents types de musiciens, mais on en sait encore assez peu sur la respiration des pianistes. Une première étude a permis de vérifier s’il existe une relation entre la respiration des pianistes et leurs mouvements pendant qu’ils jouent. Les résultats montrent que le rythme respiratoire augmente pendant qu’ils jouent, en comparaison avec leur respiration au repos. Étonnamment, les résultats ne confirment pourtant pas une augmentation significative du rythme respiratoire pendant qu’ils exécutent des exercices à tempo variable, même si les tempos étaient délibérément choisis pour soumettre les pianistes à des conditions extrêmes allant de très lentement à très rapide (Nassrallah, 2010).
Une deuxième étude a examiné la corrélation entre la respiration et trois différents mouvements de doigts spécifiques (hauteur, mètre, passage du pouce) afin de vérifier dans quelle mesure différents éléments musicaux tels que le tempo, le mètre, le rythme, l’accentuation, les complexités mélodiques et le phrasé ont une influence sur la respiration. Les analyses ont montré que la respiration varie en fonction des participants, mais que dans la plupart des cas, il n’y a aucune relation entre la respiration et les mouvements de doigts. Ces études ont ainsi contribué à une meilleure compréhension des aspects physiologiques du jeu pianistique et à mettre sur pied une méthodologie de mesure de la respiration pendant le jeu des pianistes (Nassrallah, Comeau, Russell, et Cossette, 2013).
Malgré les contributions nombreuses des pédagogues et des chercheurs à une meilleure compréhension des techniques pianistiques, des problèmes de terminologie ont occasionné de la confusion la plupart du temps. Cette étude a permis d’identifier quatre sources principales de confusion sémantique dans le langage : 1) un usage terminologique inadéquat et inconstant, 2) une fluctuation entre langages scientifique, courant et créatif, 3) les difficultés de décrire les qualités opposées issues de la tension et de la relaxation, et 4) l’absence de distinction entre ce qui relève de l’expérience individuelle et de la mécanique du mouvement. L’identification des sources des difficultés terminologiques correspond, pour les chercheurs et les pédagogues, à une étape importante dans le développement d’une terminologie commune pour décrire les aspects physiques de la technique de piano (Wheatley-Brown, 2011).
Suite à cette première étude, nous avons examiné de plus près les thèmes de la signification et la gestion de la tension dans les différentes approches pédagogiques courantes. Les expressions utilisées pour décrire les aspects négatifs et positifs de la tension ont été recueillies auprès de cinq pédagogues ayant développé des approches en phase avec les techniques actuelles de piano. Ces données ont été analysées en examinant comment sont traitées à la fois la signification et la gestion de la tension dans chacune de ces approches. L’analyse a montré que les auteurs considèrent la tension de façon très différente, soit comme une limite au mouvement et par conséquent un défaut qui doit être corrigé, soit comme une force qui doit être harnachée et gérée. L’identification des problèmes liés à la variété des significations et de modes de gestion de la tension contribue à mieux comprendre comment on enseigne les rôles et la gestion de la tension dans le cadre de la technique de piano (Wheatley-Brown, Comeau, et Russell, 2013).
On constate une tendance grandissante parmi les musiciens à se tourner vers les approches somatiques telles que la technique Alexander, le « Body Mapping » et la méthode Feldenkrais pour améliorer leur posture et leurs mouvements à l’instrument et prévenir ainsi les blessures et améliorer la qualité de leur son. Toutefois, on dispose de peu de données scientifiques et objectives étayant la perception de telles améliorations après que le musicien ait appliqué des méthodes d’éducation somatique. Cette étude a examiné si une session unique d’éducation somatique avait un effet immédiat et perceptible sur le travail physique et la qualité musicale de pianistes. Les résultats ont montré qu’il y a des changements perceptibles sur ces plans, bien qu’ils soient difficiles à détecter, contrairement à ce que l’on avance si souvent. Les résultats suggèrent également qu’il est plus facile d’identifier les effets d’une éducation somatique au niveau du travail physique qu’au niveau de la qualité musicale (Wong, 2015).
Les chercheurs qui veulent évaluer les impacts de la thérapie somatique font face à un manque d’outils de mesure. Cette recherche a examiné l’utilité des technologies de captation du mouvement comme outil pour observer objectivement l’impact de la méthode Feldenkrais sur la posture au piano. Le logiciel de captation du mouvement Dartfish 2D a été utilisé pour étudier les positions de la tête, des épaules et du dos des pianistes après qu’ils aient suivi une leçon d’Intégration fonctionnelle Feldenkrais. Les comparaisons de ces données avant et après la leçon n’ont indiqué aucune tendance d’ensemble dans les changements de posture. Toutefois, dans le cas de deux participants, des changements intéressants ont été observés dans la qualité des mouvements de la tête et du torse (Beacon, 2015).
Projets à venir : La plupart des études de cas examinant l’impact de l’éducation somatique tendent à présenter uniquement des impressions subjectives des adeptes et des étudiants sans contenir de données mesurées objectivement. Dans un projet de recherche basée sur plusieurs méthodologies, nous envisageons d’utiliser Dartfish dans une série d’études de cas pour lesquelles nous suivrons individuellement des pianistes engagés dans une démarche à long terme dans une méthode d’éducation somatique, en mesurant régulièrement leur posture en regard de la description que font les adaptes et les participants de leur expérience personnelle.